Soutenance de thèse
28 janvier 2021 - 14 heures
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Université Toulouse - Jean Jaurès - TRACES
De l’enregistrement sédimentaire en milieu karstique à la taphonomie des sites archéologiques du Paléolithique supérieur (MIS 3-MIS 2) : les apports de la grotte du Mas d’Azil et de la vallée de l’Arize (Pyrénées, France) / Céline Pallier
Résumé
Le versant nord-pyrénéen présente une grande richesse en vestiges du Paléolithique supérieur. Toutefois, les différentes cultures sont représentées de façon inégale, à la fois d’un point de vue chronologique et spatial, donnant l’image d’une forte variabilité de l’occupation des Pyrénées. Ce versant est aussi jalonné de cavités karstiques qui constituent des pièges sédimentaires, témoins des environnements passés. Traversée par le cours de l’Arize, la grotte du Mas d’Azil a conservé des témoignages de dynamiques hydrosédimentaires du dernier cycle glaciaire, mal préservés à l’extérieur. Or, leur compréhension est fondamentale car elles conditionnent à la fois les occupations humaines durant le Paléolithique supérieur mais aussi la conservation ou non des contextes archéologiques. Ainsi, comment l’étude d’un enregistreur sédimentaire comme la grotte du Mas d’Azil peut-elle répondre à la question des lacunes archéologiques de la dernière période glaciaire ? L’inventaire et l’étude des formations sédimentaires et archéologiques permet de proposer une histoire globale de l’évolution de l’Arize et de la grotte, dans laquelle deux phases principales d’aggradation sédimentaires ont été identifiées. La première est corrélative du creusement de la cavité (MIS 6 ?) ; la seconde se déroule à la transition MIS 3-MIS 2 et a contraint l’occupation humaine de la grotte, tout en jouant un rôle majeur dans la conservation ou l’érosion des vestiges. Ainsi, des lacunes sont observées dans les occupations archéologiques dans la grotte, chronologiques (absence de niveaux in situ de l’Aurignacien récent au Magdalénien ancien) ou d’ordre spatial (répartition différentielle des vestiges au cours du Magdalénien). Dès lors, quelle signification peut-on attribuer à cette absence de vestiges : absence des humains ou conservation différentielle ? Dans la grotte, la perception des niveaux d’occupation est en partie explicable par les différents processus sédimentaires qui s’y sont succédés. Les niveaux aurignaciens ont été recouverts par plusieurs mètres de sédiments fluviatiles, qui en ont érodé une partie mais qui ont préservé les niveaux de l’Aurignacien ancien. Cette phase d’aggradation a également rendu la grotte inaccessible pendant plusieurs millénaires (Gravettien et première partie du Solutréen). Enfin, si l’étude géomorphologique ne permet pas d’expliquer l’absence du Magdalénien inférieur dans la grotte, l’analyse et le croisement des processus qu’elle regroupe apportent une réflexion très précise sur l’organisation de l’espace, les accès et les circulations des populations à l’intérieur de la grotte au cours du Magdalénien moyen récent. La grotte renseigne aussi sur les dynamiques hydrosédimentaires et les conditions paléoclimatiques à l’échelle de la vallée de l’Arize. Les phénomènes observés à l’intérieur de la grotte ont été enregistré à l’extérieur de façon dégradée. Malgré la différence de résolution, grâce à la comparaison avec des vallées du versant nord-pyrénéen comme la Garonne et l’Ariège, des hypothèses de corrélations sont possibles entre les enregistrements dans la grotte et dans la vallée de l’Arize. La grotte du Mas d’Azil est donc un enregistreur très haute résolution des réponses hydrosédimentaires découlant des fluctuations climatiques, en particulier lors du dernier cycle glaciaire. Les études interdisciplinaires ont permis l’identification d’une succession de processus et, par extrapolation, ont rendu lisibles et exploitables des indices morpho-sédimentaires à peine perceptibles à l’extérieur. Par les témoignages archéologiques qu’elle nous livre dans leur contexte géomorphologique, cette grotte souligne l’importance de la taphonomie différentielle des vestiges archéologiques et permet de les interpréter, de l’échelle du site jusqu’à celle des vallées du piémont nord-pyrénéen.
Jury
François BON (Université de Toulouse Jean Jaurès UMR 5608 TRACES), co-directeur de thèse
Laurent BRUXELLES (Inrap, Université de Toulouse Jean Jaurès UMR 5608 TRACES), co-directeur de thèse
Magali DELMAS (Université de Perpignan Via-Domitia, UMR 7194 Histoire Naturelle de l’Homme Préhistorique), rapporteur
Mathieu LANGLAIS (Université de Bordeaux UMR 5199 PACEA), rapporteur
Marc CALVET (Université de Perpignan Via-Domitia UMR 7194 Histoire Naturelle de l’Homme Préhistorique), examinateur
Sandrine COSTAMAGNO (Université de Toulouse Jean Jaurès UMR 5608 TRACES), examinatrice
Richard MAIRE (Université de Bordeaux UMR 5319 Passages), examinateur