Soutenance de thèse
mardi 24 septembre 2019 - 11 heures
Paris - Institut de Paléontologie humaine
Le jury sera composé de :
- M. Claude Blanckaert, directeur de recherche au CNRS, (CAK, EHESS), directeur de thèse
- Mme Antonella Romano, directrice d’études de l’EHESS
- M. François Bon, professeur à l’Université de Toulouse Jean Jaurès (rapporteur)
- M. Marc-Antoine Kaeser, professeur à l’Université de Neuchâtel (rapporteur)
- Mme Anne Lehoërff, professeur à l’Université de Lille
- M. Arnaud Hurel, ingénieur de recherche du Muséum nationale d’histoire naturelle
Résumé de la thèse :
La Vallée des Merveilles, dans le Parc du Mercantour (Alpes-Maritimes), conserve aujourd’hui 40 000 gravures protohistoriques environ. Il s’agit d’incisions sur les rochers des vallées situées autour du Mont Bégo, datées entre le Chalcolithique et l’Âge du Bronze (3300-1800 av. J.-C.). Connues depuis le XVIe siècle, ces gravures réapparaissent autour des années 1860, dans le cadre d’un savoir récemment institué : la préhistoire. Notre recherche examine comment ces gravures ont été caractérisées en tant qu’objet scientifique ainsi que le processus qui a conduit à leur patrimonialisation en tant qu’expressions de la culture de « l’homme primitif ».
Nous analysons, par une méthode historienne, trois moments de la redéfinition de la valeur du site afin de décrire comment celui-ci se situe à l’intersection entre le débat scientifique, la construction de l’opinion publique et la prise en compte par des institutions nationales. Une première partie de la thèse est consacrée à l’émergence de ces incisions dans les débats de la communauté scientifique et à l’analyse des pratiques d’observation et de communication des données que les amateurs mettent en place sur le terrain. La deuxième s’intéresse à la stabilisation des débats sur la datation des gravures ainsi qu’au statut scientifique des incisions des lacs des Merveilles. Par l’étude de la trajectoire scientifique et de l’univers social d’un préhistorien anglais amateur, nous analysons la naissance de la sensibilité qui conduira à la patrimonialisation du site par les institutions de protection des monuments historiques italiens. La dernière partie étudie la « nationalisation » du site ; alors que l’art préhistorique devient un objet d’exposition à part entière en Europe, en Italie l’on assiste à la reconfiguration des débats sur ces incisions dans le cadre des discussions sur l’ethnogenèse des Italiens, dans le cadre de la campagne raciste de Mussolini (1938).
Nous avons appliqué des stratégies d’analyse historiciste à une préoccupation présentiste, en examinant comment le site archéologique de la Vallée des Merveilles s’est formé et arrêté sur le plan historique. Si nous envisageons notre objet d’étude par le prisme de l’axe scientifique, nous pouvons considérer notre démarche comme une entrée particulière pour analyser la trajectoire d’affirmation du domaine des recherches sur l’art rupestre. Ainsi, si l’histoire scientifique du site peut se configurer comme une micro-histoire de la conceptualisation de l’art préhistorique, notre thèse, prenant en compte les éléments socio-politiques qui l’ont accompagnée, étudie la construction sociale de la valeur de l’art primitif entre 1868 et 1947.